Coeurs unis par Ramatoulaye
Un grondement sourd à peine rythmé par les pas de Amadou embrumait Rabat. Celui-ci marchait, de plus en plus vite, gagné par l'excitation... Il traversa le zoo, et bizarrement sourit au lion qui le regardait d'un oeil morne. Sans comprendre, il fut face à la porte.
Timidement, il frappa trois petits coups. Comme rien ne se passait, il allait insister lorsque la porte s'ouvrit sur Ramatoulaye. Elle était plus romantique que jamais, et gratifia Amadou de ce sourire si magique dont elle avait le secret. - Entre, lui dit-elle. Amadou la suivit jusqu'au salon. - Assieds-toi, fit Ramatoulaye. Il se laissa tomber dans un fauteuil et poussa un soupir d'aise. Un silence s'ensuivit. Puis Ramatoulaye, qui le regardait, lança doucement: - Alors? Tu ne m'embrasses pas? Amadou sourit. - Je fais durer le plaisir, dit-il. Puis il ajouta: - Approche... Ramatoulaye s'exécuta, et Amadou posa sur sa bouche un baiser silencieux. Puis un autre. Encore un. - Je... Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, ni même de la commencer, puisque Amadou la gratifia cette fois d'un long et tendre baiser. Quand cela fut terminé, Ramatoulaye sourit. - C'est toi qui embrasses le mieux de tous mes copains, dit-elle. - Petite dévergondée, rit Amadou. - Je t'aime, dit Amadou. - Je t'aime aussi, dit Ramatoulaye. Cette phrase, ils se l'étaient répétée des milliers de fois. Mais jamais elle n'avait perdu de son sens. - Ça y est... cela fait déjà un an... cela fait une année, une année que la foudre m'a frappé... cela fait un an que nous nous sommes rencontrés. Et je n'ai jamais aimé une femme autant que toi. Car les autres étaient des femmes ordinaires. - Voyons... tu vas me faire rougir, murmura Ramatoulaye. - Pourquoi? S'écria-t-il. Tu es la personne la plus tendre que je n'ai jamais connue! La plus tendre de tout Rabat! Les gens ne t'arrivent pas à la cheville. - Mais et toi, tu es si romantique... - Cela n'est rien à côté de toi. Lorsque je t'embrasse, j'ai l'impression que je m'envole. Quand je te quitte, j'ai l'impression que mon coeur se fait piétiner par un féroce chien, ou transpercer par mille lances empoisonnées. - Mais toi aussi, Amadou, tu as beaucoup de qualités... - Ma puce... Ramatoulaye... Mais il ne put continuer. Une fois de plus, leurs lèvres se rejoignirent. Ils déliraient presque tant la fièvre les gagnait... ils étaient en haut d'un sapin, en train de respirer à l'air libre. Près d'eux, Natacha Saint -pierre chantait ''Tu Trouveras'' en les regardant. Comme frappé d'un coup de foudre, Amadou fasciné eut à peine le temps d'apercevoir, dans un éclair, comme dans une toile de Picasso, Ramatoulaye réincarnée en sirène... Ecume bouclée, vagues ébouriffées, ciel baigné de nuages qui font cligner la lune, commissures nacrées de lèvres de coquillages, le sourire émaillé de corail blanc, la voix lactée ... tout disparut lorsque Amadou rouvrit les yeux. - Marions-nous... - Pourquoi n'est-ce pas déjà fait? Ils rirent. Ils étaient heureux. Ils discutèrent toute la nuit. Ils parlaient de tout, de rien. - Tu sais, c'est drôle, dit Ramatoulaye, car hier matin, Abdoulaye a tenté de me séduire. - Non, c'est vrai? - Oui, et comme je lui disais que c'était toi, l'amour de ma vie, il m'a répondu que je perdais mon temps et que je serais bien plus heureuse avec lui. - Ça ne m'étonne pas de lui, il a toujours essayé de gâcher ma vie privée. - Heureusement je lui ai dit ceci: ''Le jour où tu seras un tant soit peu civilisé, mon petit bonhomme, tu apprendras que mon Amadou est plus attentif que n'importe qui. Et tu ne lui arrives pas à la cheville.''
Dans un sourire, un souffle, un battement de cils, ils se dirent ''je t'aime''. Ce sourire brille encore au fin fond des étoiles... ce souffle chante encore dans les hautes couches de l'atmosphère... ce battement de cils scintille toujours quelque part. Ils s'aiment. |